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15 août 2012 3 15 /08 /août /2012 00:51

AIT-MOUHOUB2.jpgZouheir Aït Mouhoub, 29 ans, journaliste d’investigation au quotidien El Watan et correspondant en Algérie de la chaîne allemande ZDF, a été violemment interpellé récemment à Alger par des policiers qui l’ont menacé. Après enquête, la police affirme que les policiers ont été sanctionnés par leur tutelle sans fournir des explications sur les motifs de cette interpellation ni sur les menaces dont fait l’objet le journaliste.


La police affirmera ensuite à un responsable d’El Watan que ces éléments appartiennent à une « brigade spéciale » sans encore une fois fournir des explications sur la nature de cette brigade, sa composante ou sa mission au sein de la police nationale. Zouheir Aït Mouhoub raconte à DNA. 

 

DNA : Qu’est qui s’est passé avec les policiers à Alger ?

Zouheir Ait Mouhoub : Mardi 31 juillet, 16h50, je sors de la maison avec mon ami réalisateur. Une voiture noire, de marque Polo, est stationnée en haut de la rue Didouche Mourad.  Au moment où je traverse la rue, la voiture ralentit puis s’arrête. Quatre policiers habillés en civil sortent du véhicule. Deux m’agrippent par les mains et tentent de me fouiller.

 

Ensuite ?

Je me présente : journaliste au quotidien El Watan. Et je sors ma carte d'accréditation comme correspondant de la chaîne allemande ZDF en Algérie. C’est le seul papier en ma possession. Un policier me bouscule, l’autre me tient violemment par la main et tente de me séparer de mon ami. Encore une fois, j’explique aux policiers que je suis journaliste et leur demande de justifier cette interpellation violente.

Que répondent les policiers ?

L’un deux me dit : Toi tu es journaliste et mon travail est de fouiller les gens quand je veux.

Se sont-ils présentés comme policiers ?

Quand ils m’ont agrippé, ils n’ont pas décliné expressément leurs fonctions. Ils m’ont juste dit : « Chorta » (police).

L’interpellation se fait devant la foule…

Deux policiers me coincent vers le mur devant la foule sur le trottoir. Je réponds : On va au commissariat, on s’expliquera sur place. Je m’extirpe de leur emprise et je me dirige vers le commissariat du 6e arondissement. Là dessus, celui qui se présente comme leur chef se dirige vers moi et me dit que c’est lui qui leur a ordonné de me fouiller. Le chef ordonne aux policiers de relâcher mon ami en leur indiquant que c’est moi qui est visé par cette interpellation.

Avaient-ils un mandat?

Ils n’ont présenté aucun document pour justifier mon interpellation en plein rue. Je me dirige alors vers le commissariat alors que les quatre policiers me poursuivent à pied quelques mètres. Avant d’y arriver, un des policiers qui se prétend le chef me lance en levant la main vers mon visage : « Tu vas payer cher ce que tu as fait. » Il a répété cette phrase à plusieurs reprises. Sans aucune autre précision.

Là tu continues ta route vers le commissariat…

Leur chef marche à mes côtés quelques mètres avant de me dire : «Fous le camp ! ». Là, les quatre policiers retournent vers leur véhicule et démarrent précipitamment. Je prends alors le téléphone et j’informe la rédaction d’El Watan de l’incident. Un responsable de la rédaction prend attache avec le chef adjoint de la sureté de la wilaya d'Alger pour le tenir au courant.

Mais l’incident n’est clos...

• Lire le communiqué de  L'Observatoire Algérien des Droits de l’Homme

Le soir même, vers minuit, en rentrant chez moi, j’aperçois un mouvement inhabituel devant mon immeuble. Je reconnais deux des quatre policiers qui m’ont interpellé l’après-midi, dont leur chef. J’envois un texto à l’un de mes responsables pour l’informer que les policiers m’attendent devant mon domicile.

Est-ce que tu as reçu par la police ?

Le lendemain, je suis reçu par le chef de sureté de la wilaya d’Alger. Je raconte dans le détail mon interpellation. Sur place, celui-ci décide d’ouvrir une enquête.  Selon lui, la voiture de marque Polo et de couleur noire n’appartient pas à la sureté de la wilaya d’Alger. Il me demande de faire une déposition pour identifier ceux qui m’ont interpellé. Je n’ai pas fait de déposition écrite.

Tu seras ensuite reçu par un autre responsable

Au commissariat de Cavignac, je suis reçu par le chef de sureté. Celui-ci m’assure que la voiture n’appartient pas à la sureté de daïra et que ses services feront tout pour découvrir qui m’a interpellé. L’enquête est en cours, m’assure-t-il. De retour à la rédaction, je reçois un coup de fil de ce responsable pour me convoquer sur place.

Pour ?

Il m’informe que le véhicule a été identifié ainsi que les quatre policiers.

Qui sont-ils ?

Le chef de sureté me dit : « Ces policiers n’appartiennent pas à mes services. » Il m’assure que le lendemain, je serai convoqué pour une éventuelle confrontation, que les policiers allaient être sanctionnés administrativement et que je pouvais les poursuivre devant une juridiction.

Pourquoi t-ont-ils interpellé ?

Ils ne m’ont pas fourni de motifs. Les responsables de la police ne le savent pas ou prétendent ne pas le savoir. Des policiers m’interpellent en plein rue, une enquête est diligentée pour les identifier - ils ont été identifiés -, mais personne n’est en mesure d’expliquer d’où vient l’ordre pour m’interpeller.

As-tu été confronté aux policiers qui t’ont interpellé ?

Non ! Le lendemain un des responsables du journal El Watan m’informe que selon le chef de sureté de wilaya, les quatre policiers ont été interpellés et sanctionnés. Concernant leur identité, ils appartiennent à une brigade spéciale.

Une brigade spéciale, quelle brigade ?

On ne le sait pas. Le chef de la sureté n’a pas donné au responsable d’El Watan des précisions sur cette prétendue brigade.

Qui pourrait-on t’en vouloir ?

Je n’en sais rien. Un policier qui dit à un journaliste : « Tu vas payer cher », c’est plus qu’une menace…

As-tu déjà reçu des menaces pour les articles que tu as déjà publiés ?

Oui, mais verbalement. On me dit  que je cherche  trop à comprendre, que je fouine là où il ne faut pas, je dérange des intérêts dont je ne connais même pas l’ampleur. Je ne sais pas qui est ou qui sont derrière ces intérêts et je voudrais bien le savoir.

 

La Déclaration d’El Watan

Le journaliste d’El Watan-Week-end, Zouheir Aït Mouhoub, subit depuis quelque temps un harcèlement de la part d’éléments des services de sécurité en civil qui le prennent en filature, le guettent devant son domicile, l’abordent publiquement avec des propos désobligeants ou sur un ton menaçant. Il a été obligé de changer de domicile pour fuir ce harcèlement.

El Watan dénonce ces pratiques intolérables à l’encontre de Zouheir Aït Mouhoub, journaliste d’investigation, qui a eu à traiter des sujets sensibles sur les réseaux mafieux de l’informel, et a eu à révéler à l’opinion publique les manipulations du pouvoir, notamment celle concernant l’appel du 16 septembre 2011 sur Facebook pour l’organisation d’une «manifestation» contre le régime.

El Watan se solidarise pleinement avec son journaliste et exige que cessent les provocations à son encontre. Il se réserve le droit de saisir les autorités judiciaires compétentes.

 

In www.dna-algerie.com 14/08/2012

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